La singularité à l’œuvre

Pour un patrimoine immatériel des processus de singularisation


Ludovic De Vita

Artiste, chercheur, direction de la recherche IRISA – Institut de Recherche Internationale en Anthropologie de la Singularité

Disciplines de recherche : Philosophie, psychologie, science humaines et sociales

Mots-clés : Singularité, processus, émancipation


En convoquant la notion de singularité comme sujet agissant au cœur des pratiques de création et d’innovation, il est possible de repenser l’acte et la pratique de l’art lui-même en dehors des systèmes productivistes soumis aux marchés enjoignant chacun à plus d’originalité.
Contrainte dans des logiques de compétition et de surenchère, la créativité perd de son sens par son asservissement alors que la singularité comme processus, rend possible de repenser individuellement et collectivement ce que nous pouvons inventer comme rapport critique, conceptuel et formel.
En considérant la singularité comme ce qui nous détermine à nous réinventer et à travers nous à repenser ce qui constitue notre patrimoine à l’échelle de l’humanité, nous pouvons la reconsidérer et d’en envisager la sauvegarde en la répertoriant dans ses dynamiques et multiples processus au patrimoine culturel immatériel mondial.

L’Étant du je
qui n’est pas tu

Il y a le réel et puis ce qu’on imagine qu’il n’est pas.
Il y a ce que tu imagines et l’imaginaire faisant ce qu’il se doit et qui se doit d’être de l’ordre symbolique.
Ce que nous faisons avec ce qui nous est donné et qui nous constitue sans pour autant qu’il dépende de nous. Et il y a ce qui dépend de nous. La pertinence et l’impertinence qui ne s’opposent pas, qui s’influencent et qui dépendent de ce que nous voulons établir comme rapport avec ce qui dépend de nous. Il y a le sens qui nous tombe dessus et il y a ce qui tombe sous le sens.
Saisir dans un mot l’espace d’un instant et dans une phrase l’immensité infinie que l’on nomme éternité.
Être, tel qu’en nous-même, sans laisser les influences et les déterminations nous détourner de notre potentiel devenir. En puissant dans la philosophie et en tentant une applicabilité par l’art et la médiation qu’il permet, il s’agit de dire un peu de ce qui est tu, cette part de l’autre à travers ce que nous sommes pourtant, dans le fait même de notre présence au monde, aux contextes contemporains avec lesquels nous devons tenter de changer de rapport.
En s’appuyant sur la philosophie, la sociologie et l’anthropologie il est possible d’identifier le potentiel de la singularité comme processus que nous pouvons activer et permettant d’engager et de concrétiser le libre arbitre dont on nous dit manquer. Si peu qu’il soit, convoqué par la singularité qui en chacun de nous domine, le libre arbitre, la liberté d’agir et d’aller au point de changement des paradigmes doit être une forme pour l’art qui reste encore à explorer.

En interrogeant la singularité comme processus, il devient possible de conscientiser nos expériences comme autant de modèles sociaux, économiques, de rapports pouvant être dépassés, repensés, ou transformés à l’infini.
Afin de rendre à l’art sa dimension émancipatrice et sa capacité à proposer des rapports critiques renouvelés permettant à chacun d’accéder à une reformulation de son propre rapport au monde, il convient de libérer la créativité des marchés et expérimenter des institutions pouvant favoriser une émancipation constante de l’art et des individus à travers lui.
En proposant la constitution d’un patrimoine universel de la singularité, il devient possible d’envisager la sauvegarde et l’identification des potentiels de cohésion et d’intersubjectivisation qui seront déterminants dans un contexte de transformation climatique globale et les crises psychosociales qui s’annoncent.

Artiste, chercheur, Ludovic De Vita fonde à Paris l’Institut de Recherche en Anthropologie de la Singularité (IRISA) avec lequel il propose l’identification de processus de singularisation permettant d’interroger par l’art les pratiques de création et d’innovation. IRISA a pour vocation une compréhension élargie de la singularité à l’œuvre permettant aux chercheurs associés, indépendamment de leur domaine de recherche ou discipline de référence, de confronter et de reformuler leur pratique.
https://irisa-institut.fr/