Sédimentation

Les argiles d’étangs comme genèse à la création

Lorène Roustin

Artiste, éco-plasticienne

Disciplines de recherche : Céramique, pêche, géologie, poissonnerie, performance

Mots-clés : Carpes miroir, terre ferrugineuse, gestion du vivant, décomposition, disparition, planosols

Par l’observation d’espèces végétales et animales, Lorène Roustin cherche à comprendre les mécanismes qui régissent le monde du vivant. Afin de rendre compte d’un équilibre qui échappe à notre contrôle, elle propose des expérimentations avec les éléments naturels qu’elle prélève sur différents sites préservés afin d’en proposer une interprétation.
Les argiles d’étangs, marquées par les végétaux qui y prennent racine ; la faune aquatique, invisible mais constituant un écosystème spécifique ; les troncs d’arbres en décomposition, véritable symbole du cycle de la nature ; l’humain et sa tentative de gestion plus ou moins pertinente du vivant sont autant d’éléments d’introspection et de questionnement que Lorène Roustin propose pour une remise en question de nos habitudes que nous avons tous à faire évoluer.

Étangs muets

Étangs muets est une action artistique qui se compose principalement de moulages de poissons. Les empreintes rappellent les corps des carpes, qui sont un patrimoine vivant et une source de fierté pour la consommation locale. Cependant, les creux montrent l’absence des poissons tout en reproduisant fidèlement leurs formes corporelles. Cet animal qui vit caché dans les eaux stagnantes et verdâtre des étangs est seulement à notre portée lors des pêches annuelles.
Les moulages sont comme des stèles en mémoire de ce patrimoine vivant. Lors de l’action performative qui accompagne l’installation des moulages, l’artiste vient déposer au fond des moules de l’argile récupérée dans les étangs de Brenne sous différentes formes et de provenances diverses. Imprégnée des sédiments organiques disparates, l’argile se constitue de particules infimes de végétaux et d’animaux qui se sont décomposés.
En créant un véritable rituel, l’artiste interroge ainsi les codes de la sculpture céramique qu’elle a étudiée aux beaux-arts tout en les mêlant à ses questionnements autour de la pêche. Elle s’approprie aussi l’habit imperméable jaune porté par les pisciculteurs en le féminisant.
À travers Étangs muets, Lorène Roustin cherche une interprétation des paysages, de la faune et des pratiques humaines locales.

Les recherches autour des carpes miroirs de l’artiste s’inscrivent dans la lignée de travaux précédents portant sur la mise en évidence du patrimoine naturel, tels que le scan de plantes endémiques ou la collecte de photographies de fleurs pour composer des bouquets numériques.
Toutes ces initiatives visent à rendre compte de la diversité des formes du vivant que nous côtoyons et à développer une attention particulière envers ces formes de vie. Le moulage comme approche artistique permet de redonner une place à ce poisson et de le mettre en valeur ; non pas comme un produit de consommation et fierté locale mais comme une vie que l’on doit respecter et prendre en compte.

Artiste, éco-plasticienne, Lorène Roustin a élu pour terrain de recherche et d’expérimentation le territoire de la Brenne qui regroupe un ensemble d’espèce et de spécificité environnementale constituant un écosystème fragile qu’elle se propose de mettre en lumière afin de sensibiliser sur sa préservation.
https://www.lorene-roustin.fr/